Vous à qui des fraisches vallees
Pour moy si durement gelees
Ouvrent les fontaines de vers,
Vous qui pouvez mettre en peinture
Le grand object de l'Univers
Et tous les traicts de la nature,
Beaux esprits si chers à la gloire,
Et sans qui l'oeil de la memoire
Ne sçauroit rien trouver de beau,
Escoutez la voix d'un Poëte
Que les alarmes du tombeau
Rendent à chasque fois muette.
Vous sçavez qu'une injuste race
Maintenant fait de ma disgrace
Le jouët d'un zele trompeur,
Et que leurs perfides menees,
Dont les plus resolus ont peur,
Tiennent mes Muses enchaisnees.
S'il arrive que mon naufrage
Soit la fin de ce grand orage
Dont je voy mes jours menassez,
Je vous conjure ô trouppe saincte
Par tout l'honneur des trespassez,
De vouloir achever ma plainte. [...]
Auteur:Théophile de VIAU