Le 25 juillet 1976, au cours de sa 35ème orbite, l'orbiteur Viking 1 survole vers 41° de latitude nord la fine bande de terrain qui sépare les hauts plateaux cratérisés de l'hémisphère sud des terrains bas et lisses de l'hémisphère nord. Dans ce secteur, connu sous le nom de Cydonia Mensae, la surface est disloquée en un grand nombre de collines, de buttes et de plateaux.
L'objectif de l'orbiteur était de certifier le site d'atterrissage de l'atterrisseur Viking 2. Si les scientifiques et les ingénieurs avaient bien sélectionné à l'avance des sites d'atterrissage pour les engins de la mission Viking, les orbiteurs devaient les certifier avant que les atterrisseurs n'entament leur descente vers la surface martienne. Cette précaution a largement contribué au succès de la mission, puisque les deux sites principaux choisis pour les atterrisseurs Viking 1 et Viking 2 se sont révélés au final bien trop accidentés.
Parmi les centaines d'images recueillies, l'une d'elles (le cliché 35 A 72, d'une résolution de 47 mètres/pixel) attire assez vite l'attention : on peut y voir une butte qui ressemble étrangement à un visage humain. Le scientifique Tobias Owen, alors membre de l'équipe chargée du traitement des images, se serait écrié "Oh mon dieu, regardez-moi ça !" en découvrant le visage sur la photographie de l'orbiteur Viking. L'image est suffisamment intéressante pour que le Jet Propulsion Laboratory (JPL) la rende publique au cours d'une conférence de presse le 31 juillet 1976. Pour les scientifiques, il ne s'agit que d'un caprice de la nature, une colline ayant pris une apparence humaine sous un jeu d'ombre et de lumière (le cliché a été pris aux alentours de 18h00 heure locale : le soleil était alors à 20° au-dessus de l'horizon et les ombres étaient déjà très allongées). L'image est présentée comme un exemple des formes familières auxquelles les planétologues sont parfois confrontés lorsqu'ils examinent les clichés de la surface des planètes du système solaire. Le visage a valeur d'anecdote et pour les scientifiques qui commentent l'image, il est impensable d'y voir autre chose qu'une amusante illusion d'optique.
Un évènement troublant et regrettable, qui va jouer par la suite en défaveur de la NASA, va avoir lieu au cours de cette conférence. Selon une rumeur persistante, Gerald Soffen (l'un des principaux scientifiques de la mission Viking) aurait confirmé la nature illusoire du visage en évoquant un deuxième cliché pris quelques heures plus tard, et sur lequel la formation humanoïde aurait tout bonnement disparu. Or il se trouve que ce fameux cliché n'existe pas, et pour une bonne raison : quelques heures après l'acquisition de la première photographie (prise, comme nous l'avons vu, à 6 heures du soir), le secteur de Cydonia était plongé dans la nuit ! Intentionnelle ou non, cette maladresse va apporter de l'eau au moulin des paranoïaques qui accuseront plus tard la NASA de dissimulation.
Avec l'explication de la NASA, le visage de Mars va tomber dans l'oubli, un simple jeu d'ombre et de lumière ne pouvant rivaliser avec les données que les orbiteurs et les atterrisseurs Viking transmettent chaque jour aux scientifiques émerveillés. Il faudra attendre trois ans avant qu'il ne soit redécouvert par hasard.
Vincent DiPietro, un ingénieur électricien, fait connaissance pour la première fois avec le visage dans un magazine "d'archéologie extraterrestre". A ce moment, il n'y prête guère d'attention. C'est seulement deux années et demi plus tard, alors qu'il fouille dans les archives photographiques du centre Goddard de la NASA dans le Maryland, que sa curiosité s'éveille. A nouveau confronté avec ce visage parfaitement dessiné, DiPietro trouve que l'explication officielle des scientifiques est finalement aussi décevante que peu convaincante. Un ami et collègue de DiPietro, Gregory Molenaar, est lui aussi frappé par le visage, à tel point qu'il propose à DiPietro de se livrer à une recherche privée.
Pour cela, les deux compères soumettent le fameux cliché 35 A 72 à différentes techniques de traitement d'image, dans le but de nettoyer la photographie et d'en extraire le maximum d'information. Devant le manque de résultats obtenus avec les techniques standards, ils conçoivent un programme informatique spécialement adapté à leur investigation, SPIT (Starburst Pixel Interleaving Technique). Sous l'écran de l'ordinateur, tandis que les ombres s'effacent et que de nouveaux contours se dessinent, le visage devient de plus en plus symétrique, et de moins en moins naturel.
Tout en étudiant le visage, DiPietro et Molenaar décident également de jeter un oeil sur les terrains alentours, au cas ou d'autres structures du même type feraient leur apparition. Inconsciemment sans doute, ils savent ce qu'ils veulent trouver et ils n'ont pas à chercher bien longtemps. Ils sont rapidement récompensés par la découverte au sud-ouest du visage d'une pyramide à cinq faces sur l'image 70 A 13 (43 mètres/pixel), prise 35 jours après le premier cliché du visage, le 30 août 1976. La formation est baptisée très modestement "D & M Pyramid".
En 1981, pour répondre à l'indifférence de la NASA, DiPietro et Molenaar publient leurs investigations à compte d'auteur dans un ouvrage intitulé "Unusual Mars Surface Features" (éléments insolites à la surface de Mars). Un exemplaire tombe bientôt dans les mains de Richard Hoagland, un chroniqueur qui avait justement assisté à la conférence de presse de la NASA (il couvrait alors la mission Viking pour le compte du magazine american way). Hoagland va se charger de populariser les travaux de DiPietro et Molenaar, tout en apportant sa pierre à l'édifice. Le mythe du visage peut commencer.
Au fur et à mesure de l'examen de nouvelles images, la fine équipe découvre bientôt d'autres structures étonnantes qui, selon eux, ne peuvent pas s'expliquer géologiquement. A l'ouest du visage, ils mettent à jour une véritable ville, constituée de plusieurs édifices géométriques qui entourent une place centrale, sur laquelle sont érigés quatre petits monuments. L'ensemble est rapidement baptisé la Cité (the City) et la place centrale l'esplanade (the City Square). A proximité de cette ville, une autre structure semble ceinturée par une épaisse muraille. A cause de son aspect, cette structure reçoit naturellement le nom de forteresse (the Fort). A l'est du visage s'étend aussi une étrange falaise isolée de 3 kilomètres de longueur (the Cliff). Un peu plus loin, une pyramide à trois côtés flanque tel un mirador la muraille d'un cratère d'impact. En portant le regard au sud de la falaise, les enquêteurs tombent sur une colline aux formes arrondies, le Dôme (the Tholus). Un coup d'œil plus approfondi révèle bientôt une sorte de rampe qui monte sur un versant pour conduire à un balcon circulaire ceinturant l'édifice.
Après l'interprétation photographique, l'équipe s'attelle à la dissection mathématique des anomalies de Cydonia. En mesurant tous les angles possibles entre les différents bâtiments, ils mettent à jour des constantes mathématiques universelles, comme le chiffre p (3,14), l'exponentielle e (2,72) et des racines carrées remarquables (Ö2 Ö3 Ö5).
Certains angles semblent également revenir constamment, comme l'angle 19,5°. Si l'on prolonge la Falaise jusqu'au sommet du Dôme de manière à obtenir une ligne droite, si l'on trace ensuite une autre ligne droite entre le sommet du Dôme et le "Mirador" du cratère, et si on mesure enfin l'angle entre ces deux lignes imaginaires, on obtient effectivement la valeur de 19,5°. Ce chiffre, en l'apparence banal, se retrouve un peu partout à l'intérieur du complexe de Cydonia.
Les chercheurs indépendants semblent véritablement obsédés par cette valeur d'angle. Selon eux, il s'agirait non pas d'une valeur quelconque, mais d'un angle très important dans la théorie mathématique énergético-synergique, qui prend pour unité de base le tétraèdre (une pyramide à quatre côtés dont chaque face est constituée par un triangle équilatéral). Lorsqu'un tel triangle est placé dans un cercle qui le circonscrit totalement (l'un des sommets touchant alors le pôle nord ou le pôle sud), les trois autres sommets se trouvent à la latitude de 19,5° (nord ou sud, selon le cas). Cette observation biscornue est apparemment d'une importance majeure pour la recherche d'anomalies extraterrestres sur les autres planètes, et les chercheurs indépendants vont frénétiquement chercher le motif du tétraèdre ou l'angle de 19,5° dans les structures de Cydonia. En effectuant d'autres corrélations mathématiques, ils découvriront aussi une représentation du système solaire cachée dans les alignements des artefacts.
Devant un tel faisceau de preuves, il n'est plus possible de nier l'évidence. L'érosion éolienne ou fluviale ne saurait rendre compte des reliefs à la beauté architecturale de Cydonia. Aucun évènement géologique ne peut placer des structures avec une telle précision mathématique. Là bas, nul mécanisme naturel n'a été à l'œuvre. Bâtis par une ancienne civilisation aujourd'hui disparue, les édifices de Cydonia sont tout simplement artificiels !
Le point de vue de la NASA
Pour la NASA, la théorie selon laquelle les structures de Cydonia seraient artificielles n'est rien d'autre qu'une élucubration d'illuminés. L'agence spatiale américaine va camper fermement sur ses positions et s'appuyer sur la première interprétation donnée pendant la conférence de presse, à savoir un jeu d'ombre et de lumière sur un monticule rocheux.
Les données concernant la région de Cydonia comprennent juste 18 clichés à basse ou moyenne résolution (de 43 mètres par pixel à 889 mètres par pixel), et pour les scientifiques, elles sont bien insuffisantes pour pouvoir conclure à une prétendue origine artificielle. D'après les géologues, les reliefs de Cydonia et les formes adoucies du visage peuvent très bien s'expliquer par l'érosion éolienne, l'érosion fluviale, ou une activité tectonique (tremblement martien). Les géologues rappellent que les reliefs familiers sont très courants à la surface des planètes du système solaire. Sur les photographies de la surface terrestre renvoyées par les satellites d'observation, il est habituel d'entrevoir des figures humaines ou animales.
Devant un paysage inconnu, l'œil humain excelle à repérer ce qu'il a déjà vu ailleurs. Tout le monde peut en faire l'expérience en s'allongeant sur une pelouse et en regardant les nuages défiler. Après cinq minutes, il n'est pas rare d'apercevoir une forme familière. Celle-ci apparaît nettement pendant quelques instants, puis disparaît progressivement tandis que les contours du nuage continuent à évoluer. Le phénomène qui consiste à voir des visages ou des formes familières sur des surfaces ou des objets est d'ailleurs bien connu en psychologie : il porte le nom de pareidolia.
La surface martienne n'échappe pas à cette règle et les hommes, à force de la scruter, y ont aperçu des figures terrestres. Des pyramides similaires à celles de la région de Cydonia ont par exemple été localisées dans les exutoires qui ferment à l'est le canyon de Valles Marineris ou dans la région d'Elysium Planitia. La sonde Mars Global Surveyor a mis récemment en évidence des reliefs amusants comme une dépression en forme de cœur ou un cratère souriant. La nature n'a aucun mal à sculpter des reliefs géométriques ou des formes qui paraîtront familières au cerveau humain (le monde minéral offre quelques beaux exemples). L'homme a simplement la sale manie d'interpréter l'inconnu selon ses propres valeurs et intérêts.
On nous cache quelque chose !
L'affaire aurait sans doute pu s'arrêter là si quelques scientifiques n'avaient pas tourné en dérision les inepties débitées par les fans du visage martien. Piqués au vif, ceux-ci commencent à se plaindre ouvertement de n'être pas pris au sérieux en dépit de la rigueur apparente de leurs travaux. Comme rien n'y fait, ils finissent par se retourner en désespoir de cause contre la NASA, dont l'honnêteté doit être mise en doute. Les scientifiques sont-ils seulement naïfs ou aveugles, ou cherchent-ils à cacher quelque chose ? Petit à petit, de nombreuses personnes vont se convaincre que le gouvernement cherche à masquer la vérité.
La thèse de la conspiration, un grand classique dans les histoires d'extraterrestre, donne du piment à l'affaire de Cydonia. Le combat d'un petit groupe de chercheurs indépendants, méprisés et discrédités, mais néanmoins prêt à tout pour faire éclater la vérité, contre la masse imposante et étouffante d'un gouvernement, va cristalliser les passions. Un étrange visage à la surface de Mars, des vestiges d'une ancienne civilisation extraterrestre disparue, un gouvernement qui nie la vérité, même Hollywood n'a jamais imaginé meilleur scénario.
Retour sur Cydonia
Après les sondes Viking en 1976, la NASA va attendre 15 ans avant de mettre sur les rails une nouvelle mission martienne. En 1992, la sonde Mars Observer prend son envol et s'élance vaillamment vers la planète rouge. Ce véritable monstre, doté d'une foule d'instruments scientifiques, doit révolutionner notre connaissance de la planète Mars, comme Viking l'a fait en son temps. Mais le 21 août 1993, alors qu'elle allait se placer en orbite autour de la planète rouge, Mars Observer disparaît sans laisser de trace. A la NASA, c'est la consternation, d'autant plus que les ingénieurs sont incapables d'expliquer le pourquoi de l'accident. Le rapport d'enquête qui sera publié après le drame dresse une liste impressionnante de 60 causes qui chacune peuvent expliquer la perte de Mars Observer.
Devinez quoi ? Pour certaines personnes, la perte de Mars Observer n'est pas due à un problème technique, et deux autres explications doivent être envisagées le plus sérieusement du monde. Premièrement, la sonde aurait très bien pu faire les frais de la défense anti-aérienne martienne, les martiens ayant largement eu le temps de s'entraîner depuis 1960, date des premières missions et des premiers échecs ! Mais une deuxième hypothèse, qui s'inscrit mieux dans le climat de paranoïa qui entoure le visage martien, commence à se répandre. Mars Observer aurait été volontairement détruite par la NASA. Alors qu'elle était très proche de la planète Mars, sa caméra haute résolution aurait découvert les preuves définitives de l'existence d'une civilisation extraterrestre. Après concertation, le gouvernement américain, paniqué par les conséquences que pourrait avoir l'annonce d'une telle découverte sur le public, décide de sacrifier Mars Observer malgré son coût exorbitant.
En 1960, un rapport préparé par l'Institut Brookings à Washington avait évalué les conséquences de la découverte d'une civilisation extraterrestre sur l'opinion publique. Parmi les choix auxquels pouvait être confronté un gouvernement, on trouvait la dissimulation pure et simple de la vérité pour éviter des soubresauts dévastateurs. Dans l'affaire du visage de Mars, la NASA avait très bien pu appliquer à la lettre cette recommandation ...
Bien entendu, l'hypothèse de la destruction volontaire de Mars Observer est aussi fragile que les analyses menées sur le visage de Mars. Si la NASA avait jugé l'image du visage compromettante, elle avait parfaitement les moyens de la garder secrète. De plus, le scoop de la découverte des ruines d'une ancienne civilisation sur Mars aurait pu lui valoir un financement substantiel de la part du Congrès américain. Pourquoi cacher la vérité, alors que des milliards étaient à la clé ? Enfin, on peut aussi se demander pourquoi la NASA s'est empressée de lancer une mission de rechange quelques années après la disparition de Mars Observer.
En 1996, Mars Global Surveyor s'élance effectivement sur les traces de Mars Observer, avec une partie des instruments de cette dernière. Une année plus tard, la sonde se place correctement en orbite autour de la planète rouge, au grand soulagement des scientifiques. Mais les admirateurs des petits hommes verts n'ont pas lâché prise. Ils sont toujours bien décidés à se faire entendre et ils vont trouver bien vite un nouveau prétexte pour protester contre les agissements inacceptables de la NASA.
Nous l'avons vu, parmi la communauté scientifique, personne ne doute que le visage soit autre chose qu'une formation naturelle. Personne ne conteste non plus que la découverte d'un artefact extraterrestre sur Mars serait d'une importance capitale pour l'Humanité mais malgré tout, les preuves sur Cydonia sont jugées trop maigres pour justifier le coût d'une mission d'exploration, robotique ou habitée.
Cette conclusion offusque les fans du visage. Pour certains, cette construction forcément artificielle est la preuve définitive que les ovnis et les petits hommes verts existent bel et bien. L'exploration du complexe de Cydonia devrait en toute logique devenir la priorité n°1 du programme martien américain de la NASA. Maintenant qu'une sonde spatiale est de nouveau en orbite autour de la planète rouge, le secteur de Cydonia doit impérativement être observé.Les règles du jeu ont cependant changé entre la mission Viking et la mission Mars Global Surveyor, et les fans du visage vont être confrontés à un obstacle inattendu. Au temps des Viking, les images étaient immédiatement mises à la disposition du public (sans Internet, la consultation était cependant moins aisée qu'aujourd'hui). Pour Mars Global Surveyor, la construction de la caméra haute résolution (MOC) a été confiée à un entrepreneur qui a reçu toute autorité sur son instrument et les données qu'il produira. Celui-ci peut conserver les images pendant une période de six mois avant de les rendre publique, une disposition légale qui, d'après les fans du visage, lui permettrait d'escamoter facilement un cliché compromettant.
Cette histoire de délai dans la publication des données n'est guère plaisante pour nos chercheurs indépendants, mais il y a pire. Les images à haute résolution prennent beaucoup de place et la sonde ne peut en transmettre qu'un nombre limité à la Terre. Devant les restrictions imposées par la technique, seule une partie de la surface martienne pourra être examinée à haute résolution, ce qui signifie qu'une liste de cibles prioritaires devra être établie.
L'entrepreneur de la caméra n'est autre que Michael Malin. Malin est désormais célèbre puisque son instrument a permis à la sonde Mars Global Surveyor d'engranger quelques jolies découvertes (dont la moindre n'est pas l'observation de traces d'écoulements liquides récents à la surface de Mars). Cette situation était facilement prévisible. Conformément à ses prérogatives, Michael Malin s'est bien gardé de distribuer immédiatement les clichés de sa caméra à la communauté scientifique. En se réservant les meilleures images et en ne laissant aux autres que quelques miettes, il était pratiquement certain de réaliser des découvertes majeures. D'un autre côté, Malin s'est battu comme un diable pour faire accepter sa caméra. Après la mission Viking, de nombreux scientifiques étaient convaincus que la reconnaissance photographique de la planète Mars était terminée et que des images à haute résolution n'apporteraient rien de nouveau. Mais revenons à nos moutons.
Michael Malin était bien décidé à tirer le maximum de son instrument et pour lui, il était hors de question de gâcher de la pellicule numérique. Fermement opposé à l'hypothèse artificielle du visage, il estime que la photographie à haute résolution des formations de Cydonia est tout à fait secondaire, sans compter qu'il n'est pas évident techniquement de cadrer parfaitement des reliefs aussi petits. Les aficionados du visage sont enragés : non seulement le visage risque de ne pas être photographié, mais si bien même des photographies sont prises, celles-ci ne seront pas rendues publiques. Les chasseurs de martiens adressent alors plusieurs requêtes à la NASA pour la contraindre de mettre fin à la tyrannie de Malin !
Sans doute excédée par ces récriminations et pour calmer les esprits, la NASA décide de se plier aux exigences des fans du visage. Elle annonce que le secteur de Cydonia sera photographié à haute résolution dès que l'occasion se présentera et que les images seront immédiatement rendues publiques.
L'instant magique a lieu le 5 avril 1998, lorsque, 20 ans après les sondes Viking, Mars Global Surveyor survole à nouveau le visage. La NASA va jouer la transparence absolue et les images sont à peine reçues sous la forme de bits par les antennes du Deep Space Network qu'elles sont mises en ligne sur Internet. Comme d'habitude, les clichés ont été retraités pour être présentables, mais pour les septiques, les images brutes non retouchées sont également disponibles. Le premier passage permet à Mars Global Surveyor de recueillir une image du visage. Un simple coup d'œil sur le cliché et le verdict est sans appel : à haute résolution, le visage de Mars a disparu et a laissé la place à une vieille colline érodée. Ce n'était finalement qu'une formation naturelle, comme les autres structures.
Deux passages supplémentaires permettront d'observer la Cité (14 avril 1998) et l'esplanade (23 avril 1998). Un coin de la pyramide D&M serait également visible sur les images de 1998. L'année suivante sera aussi l'occasion pour Mars Global Surveyor d'imager le Dôme (juillet 1999) et la Forteresse (août et novembre 1999). A chaque fois les images ne montrent rien d'autre que des buttes et des collines érodées et aucune anomalie ne vient pointer le bout de son nez. L'image la plus précise du visage sera prise par Mars Global Surveyor le 8 avril 2001, la falaise (Cliff) étant aussi immortalisée pour l'occasion. Une année plus tard, la sonde Mars Odyssey prendra à son tour une image du visage dans le domaine du visible et de l'infrarouge, grâce à sa caméra THEMIS. En juillet 2006, la sonde européenne Mars Express a transmis à son tour de spectaculaires images couleurs en 3D du visage de Mars, après plusieurs essais infructueux dès avril 2004.
De l'acharnement ...
A l'époque, j'avais naïvement pensé que les nouvelles images de Mars Global Surveyor allait rapidement conduire à la clôture de ce dossier déjà suffisamment sulfureux. Mais plutôt que d'admettre leur égarement, voici que les pseudo-scientifiques se jettent sur les nouveaux clichés avec l'énergie que confère le désespoir (la survie d'un petit commerce juteux est un jeu, comme nous allons le voir par la suite). Le visage semble effectivement naturel, mais rien n'est encore joué !
Les pseudo-chercheurs commencent par mettre en doute la qualité des images brutes et les conditions de prises de vue. En 1976, l'orbiteur Viking avait survolé le visage par un bel après midi d'été et les ombres étaient bien marquées. Mars Global Surveyor a photographié le visage dans des conditions bien moins propices. La prise de vue de 1998 a eu lieu en hiver et en fin de matinée, ce qui a eu plusieurs conséquences fâcheuses : les ombres au sol n'étaient pas marquées, la lumière se réfléchissait par endroit sur des plaques de givre et, pour couronner le tout, la région était aussi recouverte par une fine couche de brune qui a masqué certains détails. De plus, alors que pour Viking la prise de vue s'était effectuée presque à la verticale, Mars Global Surveyor n'est pas passé exactement à l'aplomb du visage. La sonde est passée à côté du visage et a du basculer de 45° pour le placer dans le champ de la caméra. Résultat, le visage a été photographié en oblique.
Les arguments que nous venons de citer ont été rappelés plusieurs fois par les experts du visage, sans doute pour avertir la NASA que les images de Mars Global Surveyor n'allaient pas pouvoir se prêter à une analyse aussi rigoureuse que celle effectuée sur les clichés Viking. Bizarrement, le gain énorme obtenu en résolution n'est presque jamais mentionné ...
Les nouvelles images ont bien entendu ensuite été passées à la moulinette informatique, l'excitant exercice de l'analyse d'image étant facilité par le boom de la microinformatique. D'après les pseudo-chercheurs, une étude détaillée du visage montrerait une forte symétrie latérale ainsi que des éléments anatomiques nouveaux comme des lèvres et des narines positionnés le long de l'axe central de symétrie. La présence de structures linéaires au niveau de la tête (coupe de cheveux ?) serait également confirmée par MGS.
L'objectif de l'orbiteur était de certifier le site d'atterrissage de l'atterrisseur Viking 2. Si les scientifiques et les ingénieurs avaient bien sélectionné à l'avance des sites d'atterrissage pour les engins de la mission Viking, les orbiteurs devaient les certifier avant que les atterrisseurs n'entament leur descente vers la surface martienne. Cette précaution a largement contribué au succès de la mission, puisque les deux sites principaux choisis pour les atterrisseurs Viking 1 et Viking 2 se sont révélés au final bien trop accidentés.
Parmi les centaines d'images recueillies, l'une d'elles (le cliché 35 A 72, d'une résolution de 47 mètres/pixel) attire assez vite l'attention : on peut y voir une butte qui ressemble étrangement à un visage humain. Le scientifique Tobias Owen, alors membre de l'équipe chargée du traitement des images, se serait écrié "Oh mon dieu, regardez-moi ça !" en découvrant le visage sur la photographie de l'orbiteur Viking. L'image est suffisamment intéressante pour que le Jet Propulsion Laboratory (JPL) la rende publique au cours d'une conférence de presse le 31 juillet 1976. Pour les scientifiques, il ne s'agit que d'un caprice de la nature, une colline ayant pris une apparence humaine sous un jeu d'ombre et de lumière (le cliché a été pris aux alentours de 18h00 heure locale : le soleil était alors à 20° au-dessus de l'horizon et les ombres étaient déjà très allongées). L'image est présentée comme un exemple des formes familières auxquelles les planétologues sont parfois confrontés lorsqu'ils examinent les clichés de la surface des planètes du système solaire. Le visage a valeur d'anecdote et pour les scientifiques qui commentent l'image, il est impensable d'y voir autre chose qu'une amusante illusion d'optique.
Un évènement troublant et regrettable, qui va jouer par la suite en défaveur de la NASA, va avoir lieu au cours de cette conférence. Selon une rumeur persistante, Gerald Soffen (l'un des principaux scientifiques de la mission Viking) aurait confirmé la nature illusoire du visage en évoquant un deuxième cliché pris quelques heures plus tard, et sur lequel la formation humanoïde aurait tout bonnement disparu. Or il se trouve que ce fameux cliché n'existe pas, et pour une bonne raison : quelques heures après l'acquisition de la première photographie (prise, comme nous l'avons vu, à 6 heures du soir), le secteur de Cydonia était plongé dans la nuit ! Intentionnelle ou non, cette maladresse va apporter de l'eau au moulin des paranoïaques qui accuseront plus tard la NASA de dissimulation.
Avec l'explication de la NASA, le visage de Mars va tomber dans l'oubli, un simple jeu d'ombre et de lumière ne pouvant rivaliser avec les données que les orbiteurs et les atterrisseurs Viking transmettent chaque jour aux scientifiques émerveillés. Il faudra attendre trois ans avant qu'il ne soit redécouvert par hasard.
Vincent DiPietro, un ingénieur électricien, fait connaissance pour la première fois avec le visage dans un magazine "d'archéologie extraterrestre". A ce moment, il n'y prête guère d'attention. C'est seulement deux années et demi plus tard, alors qu'il fouille dans les archives photographiques du centre Goddard de la NASA dans le Maryland, que sa curiosité s'éveille. A nouveau confronté avec ce visage parfaitement dessiné, DiPietro trouve que l'explication officielle des scientifiques est finalement aussi décevante que peu convaincante. Un ami et collègue de DiPietro, Gregory Molenaar, est lui aussi frappé par le visage, à tel point qu'il propose à DiPietro de se livrer à une recherche privée.
Pour cela, les deux compères soumettent le fameux cliché 35 A 72 à différentes techniques de traitement d'image, dans le but de nettoyer la photographie et d'en extraire le maximum d'information. Devant le manque de résultats obtenus avec les techniques standards, ils conçoivent un programme informatique spécialement adapté à leur investigation, SPIT (Starburst Pixel Interleaving Technique). Sous l'écran de l'ordinateur, tandis que les ombres s'effacent et que de nouveaux contours se dessinent, le visage devient de plus en plus symétrique, et de moins en moins naturel.
Tout en étudiant le visage, DiPietro et Molenaar décident également de jeter un oeil sur les terrains alentours, au cas ou d'autres structures du même type feraient leur apparition. Inconsciemment sans doute, ils savent ce qu'ils veulent trouver et ils n'ont pas à chercher bien longtemps. Ils sont rapidement récompensés par la découverte au sud-ouest du visage d'une pyramide à cinq faces sur l'image 70 A 13 (43 mètres/pixel), prise 35 jours après le premier cliché du visage, le 30 août 1976. La formation est baptisée très modestement "D & M Pyramid".
En 1981, pour répondre à l'indifférence de la NASA, DiPietro et Molenaar publient leurs investigations à compte d'auteur dans un ouvrage intitulé "Unusual Mars Surface Features" (éléments insolites à la surface de Mars). Un exemplaire tombe bientôt dans les mains de Richard Hoagland, un chroniqueur qui avait justement assisté à la conférence de presse de la NASA (il couvrait alors la mission Viking pour le compte du magazine american way). Hoagland va se charger de populariser les travaux de DiPietro et Molenaar, tout en apportant sa pierre à l'édifice. Le mythe du visage peut commencer.
Au fur et à mesure de l'examen de nouvelles images, la fine équipe découvre bientôt d'autres structures étonnantes qui, selon eux, ne peuvent pas s'expliquer géologiquement. A l'ouest du visage, ils mettent à jour une véritable ville, constituée de plusieurs édifices géométriques qui entourent une place centrale, sur laquelle sont érigés quatre petits monuments. L'ensemble est rapidement baptisé la Cité (the City) et la place centrale l'esplanade (the City Square). A proximité de cette ville, une autre structure semble ceinturée par une épaisse muraille. A cause de son aspect, cette structure reçoit naturellement le nom de forteresse (the Fort). A l'est du visage s'étend aussi une étrange falaise isolée de 3 kilomètres de longueur (the Cliff). Un peu plus loin, une pyramide à trois côtés flanque tel un mirador la muraille d'un cratère d'impact. En portant le regard au sud de la falaise, les enquêteurs tombent sur une colline aux formes arrondies, le Dôme (the Tholus). Un coup d'œil plus approfondi révèle bientôt une sorte de rampe qui monte sur un versant pour conduire à un balcon circulaire ceinturant l'édifice.
Après l'interprétation photographique, l'équipe s'attelle à la dissection mathématique des anomalies de Cydonia. En mesurant tous les angles possibles entre les différents bâtiments, ils mettent à jour des constantes mathématiques universelles, comme le chiffre p (3,14), l'exponentielle e (2,72) et des racines carrées remarquables (Ö2 Ö3 Ö5).
Certains angles semblent également revenir constamment, comme l'angle 19,5°. Si l'on prolonge la Falaise jusqu'au sommet du Dôme de manière à obtenir une ligne droite, si l'on trace ensuite une autre ligne droite entre le sommet du Dôme et le "Mirador" du cratère, et si on mesure enfin l'angle entre ces deux lignes imaginaires, on obtient effectivement la valeur de 19,5°. Ce chiffre, en l'apparence banal, se retrouve un peu partout à l'intérieur du complexe de Cydonia.
Les chercheurs indépendants semblent véritablement obsédés par cette valeur d'angle. Selon eux, il s'agirait non pas d'une valeur quelconque, mais d'un angle très important dans la théorie mathématique énergético-synergique, qui prend pour unité de base le tétraèdre (une pyramide à quatre côtés dont chaque face est constituée par un triangle équilatéral). Lorsqu'un tel triangle est placé dans un cercle qui le circonscrit totalement (l'un des sommets touchant alors le pôle nord ou le pôle sud), les trois autres sommets se trouvent à la latitude de 19,5° (nord ou sud, selon le cas). Cette observation biscornue est apparemment d'une importance majeure pour la recherche d'anomalies extraterrestres sur les autres planètes, et les chercheurs indépendants vont frénétiquement chercher le motif du tétraèdre ou l'angle de 19,5° dans les structures de Cydonia. En effectuant d'autres corrélations mathématiques, ils découvriront aussi une représentation du système solaire cachée dans les alignements des artefacts.
Devant un tel faisceau de preuves, il n'est plus possible de nier l'évidence. L'érosion éolienne ou fluviale ne saurait rendre compte des reliefs à la beauté architecturale de Cydonia. Aucun évènement géologique ne peut placer des structures avec une telle précision mathématique. Là bas, nul mécanisme naturel n'a été à l'œuvre. Bâtis par une ancienne civilisation aujourd'hui disparue, les édifices de Cydonia sont tout simplement artificiels !
Le point de vue de la NASA
Pour la NASA, la théorie selon laquelle les structures de Cydonia seraient artificielles n'est rien d'autre qu'une élucubration d'illuminés. L'agence spatiale américaine va camper fermement sur ses positions et s'appuyer sur la première interprétation donnée pendant la conférence de presse, à savoir un jeu d'ombre et de lumière sur un monticule rocheux.
Les données concernant la région de Cydonia comprennent juste 18 clichés à basse ou moyenne résolution (de 43 mètres par pixel à 889 mètres par pixel), et pour les scientifiques, elles sont bien insuffisantes pour pouvoir conclure à une prétendue origine artificielle. D'après les géologues, les reliefs de Cydonia et les formes adoucies du visage peuvent très bien s'expliquer par l'érosion éolienne, l'érosion fluviale, ou une activité tectonique (tremblement martien). Les géologues rappellent que les reliefs familiers sont très courants à la surface des planètes du système solaire. Sur les photographies de la surface terrestre renvoyées par les satellites d'observation, il est habituel d'entrevoir des figures humaines ou animales.
Devant un paysage inconnu, l'œil humain excelle à repérer ce qu'il a déjà vu ailleurs. Tout le monde peut en faire l'expérience en s'allongeant sur une pelouse et en regardant les nuages défiler. Après cinq minutes, il n'est pas rare d'apercevoir une forme familière. Celle-ci apparaît nettement pendant quelques instants, puis disparaît progressivement tandis que les contours du nuage continuent à évoluer. Le phénomène qui consiste à voir des visages ou des formes familières sur des surfaces ou des objets est d'ailleurs bien connu en psychologie : il porte le nom de pareidolia.
La surface martienne n'échappe pas à cette règle et les hommes, à force de la scruter, y ont aperçu des figures terrestres. Des pyramides similaires à celles de la région de Cydonia ont par exemple été localisées dans les exutoires qui ferment à l'est le canyon de Valles Marineris ou dans la région d'Elysium Planitia. La sonde Mars Global Surveyor a mis récemment en évidence des reliefs amusants comme une dépression en forme de cœur ou un cratère souriant. La nature n'a aucun mal à sculpter des reliefs géométriques ou des formes qui paraîtront familières au cerveau humain (le monde minéral offre quelques beaux exemples). L'homme a simplement la sale manie d'interpréter l'inconnu selon ses propres valeurs et intérêts.
On nous cache quelque chose !
L'affaire aurait sans doute pu s'arrêter là si quelques scientifiques n'avaient pas tourné en dérision les inepties débitées par les fans du visage martien. Piqués au vif, ceux-ci commencent à se plaindre ouvertement de n'être pas pris au sérieux en dépit de la rigueur apparente de leurs travaux. Comme rien n'y fait, ils finissent par se retourner en désespoir de cause contre la NASA, dont l'honnêteté doit être mise en doute. Les scientifiques sont-ils seulement naïfs ou aveugles, ou cherchent-ils à cacher quelque chose ? Petit à petit, de nombreuses personnes vont se convaincre que le gouvernement cherche à masquer la vérité.
La thèse de la conspiration, un grand classique dans les histoires d'extraterrestre, donne du piment à l'affaire de Cydonia. Le combat d'un petit groupe de chercheurs indépendants, méprisés et discrédités, mais néanmoins prêt à tout pour faire éclater la vérité, contre la masse imposante et étouffante d'un gouvernement, va cristalliser les passions. Un étrange visage à la surface de Mars, des vestiges d'une ancienne civilisation extraterrestre disparue, un gouvernement qui nie la vérité, même Hollywood n'a jamais imaginé meilleur scénario.
Retour sur Cydonia
Après les sondes Viking en 1976, la NASA va attendre 15 ans avant de mettre sur les rails une nouvelle mission martienne. En 1992, la sonde Mars Observer prend son envol et s'élance vaillamment vers la planète rouge. Ce véritable monstre, doté d'une foule d'instruments scientifiques, doit révolutionner notre connaissance de la planète Mars, comme Viking l'a fait en son temps. Mais le 21 août 1993, alors qu'elle allait se placer en orbite autour de la planète rouge, Mars Observer disparaît sans laisser de trace. A la NASA, c'est la consternation, d'autant plus que les ingénieurs sont incapables d'expliquer le pourquoi de l'accident. Le rapport d'enquête qui sera publié après le drame dresse une liste impressionnante de 60 causes qui chacune peuvent expliquer la perte de Mars Observer.
Devinez quoi ? Pour certaines personnes, la perte de Mars Observer n'est pas due à un problème technique, et deux autres explications doivent être envisagées le plus sérieusement du monde. Premièrement, la sonde aurait très bien pu faire les frais de la défense anti-aérienne martienne, les martiens ayant largement eu le temps de s'entraîner depuis 1960, date des premières missions et des premiers échecs ! Mais une deuxième hypothèse, qui s'inscrit mieux dans le climat de paranoïa qui entoure le visage martien, commence à se répandre. Mars Observer aurait été volontairement détruite par la NASA. Alors qu'elle était très proche de la planète Mars, sa caméra haute résolution aurait découvert les preuves définitives de l'existence d'une civilisation extraterrestre. Après concertation, le gouvernement américain, paniqué par les conséquences que pourrait avoir l'annonce d'une telle découverte sur le public, décide de sacrifier Mars Observer malgré son coût exorbitant.
En 1960, un rapport préparé par l'Institut Brookings à Washington avait évalué les conséquences de la découverte d'une civilisation extraterrestre sur l'opinion publique. Parmi les choix auxquels pouvait être confronté un gouvernement, on trouvait la dissimulation pure et simple de la vérité pour éviter des soubresauts dévastateurs. Dans l'affaire du visage de Mars, la NASA avait très bien pu appliquer à la lettre cette recommandation ...
Bien entendu, l'hypothèse de la destruction volontaire de Mars Observer est aussi fragile que les analyses menées sur le visage de Mars. Si la NASA avait jugé l'image du visage compromettante, elle avait parfaitement les moyens de la garder secrète. De plus, le scoop de la découverte des ruines d'une ancienne civilisation sur Mars aurait pu lui valoir un financement substantiel de la part du Congrès américain. Pourquoi cacher la vérité, alors que des milliards étaient à la clé ? Enfin, on peut aussi se demander pourquoi la NASA s'est empressée de lancer une mission de rechange quelques années après la disparition de Mars Observer.
En 1996, Mars Global Surveyor s'élance effectivement sur les traces de Mars Observer, avec une partie des instruments de cette dernière. Une année plus tard, la sonde se place correctement en orbite autour de la planète rouge, au grand soulagement des scientifiques. Mais les admirateurs des petits hommes verts n'ont pas lâché prise. Ils sont toujours bien décidés à se faire entendre et ils vont trouver bien vite un nouveau prétexte pour protester contre les agissements inacceptables de la NASA.
Nous l'avons vu, parmi la communauté scientifique, personne ne doute que le visage soit autre chose qu'une formation naturelle. Personne ne conteste non plus que la découverte d'un artefact extraterrestre sur Mars serait d'une importance capitale pour l'Humanité mais malgré tout, les preuves sur Cydonia sont jugées trop maigres pour justifier le coût d'une mission d'exploration, robotique ou habitée.
Cette conclusion offusque les fans du visage. Pour certains, cette construction forcément artificielle est la preuve définitive que les ovnis et les petits hommes verts existent bel et bien. L'exploration du complexe de Cydonia devrait en toute logique devenir la priorité n°1 du programme martien américain de la NASA. Maintenant qu'une sonde spatiale est de nouveau en orbite autour de la planète rouge, le secteur de Cydonia doit impérativement être observé.Les règles du jeu ont cependant changé entre la mission Viking et la mission Mars Global Surveyor, et les fans du visage vont être confrontés à un obstacle inattendu. Au temps des Viking, les images étaient immédiatement mises à la disposition du public (sans Internet, la consultation était cependant moins aisée qu'aujourd'hui). Pour Mars Global Surveyor, la construction de la caméra haute résolution (MOC) a été confiée à un entrepreneur qui a reçu toute autorité sur son instrument et les données qu'il produira. Celui-ci peut conserver les images pendant une période de six mois avant de les rendre publique, une disposition légale qui, d'après les fans du visage, lui permettrait d'escamoter facilement un cliché compromettant.
Cette histoire de délai dans la publication des données n'est guère plaisante pour nos chercheurs indépendants, mais il y a pire. Les images à haute résolution prennent beaucoup de place et la sonde ne peut en transmettre qu'un nombre limité à la Terre. Devant les restrictions imposées par la technique, seule une partie de la surface martienne pourra être examinée à haute résolution, ce qui signifie qu'une liste de cibles prioritaires devra être établie.
L'entrepreneur de la caméra n'est autre que Michael Malin. Malin est désormais célèbre puisque son instrument a permis à la sonde Mars Global Surveyor d'engranger quelques jolies découvertes (dont la moindre n'est pas l'observation de traces d'écoulements liquides récents à la surface de Mars). Cette situation était facilement prévisible. Conformément à ses prérogatives, Michael Malin s'est bien gardé de distribuer immédiatement les clichés de sa caméra à la communauté scientifique. En se réservant les meilleures images et en ne laissant aux autres que quelques miettes, il était pratiquement certain de réaliser des découvertes majeures. D'un autre côté, Malin s'est battu comme un diable pour faire accepter sa caméra. Après la mission Viking, de nombreux scientifiques étaient convaincus que la reconnaissance photographique de la planète Mars était terminée et que des images à haute résolution n'apporteraient rien de nouveau. Mais revenons à nos moutons.
Michael Malin était bien décidé à tirer le maximum de son instrument et pour lui, il était hors de question de gâcher de la pellicule numérique. Fermement opposé à l'hypothèse artificielle du visage, il estime que la photographie à haute résolution des formations de Cydonia est tout à fait secondaire, sans compter qu'il n'est pas évident techniquement de cadrer parfaitement des reliefs aussi petits. Les aficionados du visage sont enragés : non seulement le visage risque de ne pas être photographié, mais si bien même des photographies sont prises, celles-ci ne seront pas rendues publiques. Les chasseurs de martiens adressent alors plusieurs requêtes à la NASA pour la contraindre de mettre fin à la tyrannie de Malin !
Sans doute excédée par ces récriminations et pour calmer les esprits, la NASA décide de se plier aux exigences des fans du visage. Elle annonce que le secteur de Cydonia sera photographié à haute résolution dès que l'occasion se présentera et que les images seront immédiatement rendues publiques.
L'instant magique a lieu le 5 avril 1998, lorsque, 20 ans après les sondes Viking, Mars Global Surveyor survole à nouveau le visage. La NASA va jouer la transparence absolue et les images sont à peine reçues sous la forme de bits par les antennes du Deep Space Network qu'elles sont mises en ligne sur Internet. Comme d'habitude, les clichés ont été retraités pour être présentables, mais pour les septiques, les images brutes non retouchées sont également disponibles. Le premier passage permet à Mars Global Surveyor de recueillir une image du visage. Un simple coup d'œil sur le cliché et le verdict est sans appel : à haute résolution, le visage de Mars a disparu et a laissé la place à une vieille colline érodée. Ce n'était finalement qu'une formation naturelle, comme les autres structures.
Deux passages supplémentaires permettront d'observer la Cité (14 avril 1998) et l'esplanade (23 avril 1998). Un coin de la pyramide D&M serait également visible sur les images de 1998. L'année suivante sera aussi l'occasion pour Mars Global Surveyor d'imager le Dôme (juillet 1999) et la Forteresse (août et novembre 1999). A chaque fois les images ne montrent rien d'autre que des buttes et des collines érodées et aucune anomalie ne vient pointer le bout de son nez. L'image la plus précise du visage sera prise par Mars Global Surveyor le 8 avril 2001, la falaise (Cliff) étant aussi immortalisée pour l'occasion. Une année plus tard, la sonde Mars Odyssey prendra à son tour une image du visage dans le domaine du visible et de l'infrarouge, grâce à sa caméra THEMIS. En juillet 2006, la sonde européenne Mars Express a transmis à son tour de spectaculaires images couleurs en 3D du visage de Mars, après plusieurs essais infructueux dès avril 2004.
De l'acharnement ...
A l'époque, j'avais naïvement pensé que les nouvelles images de Mars Global Surveyor allait rapidement conduire à la clôture de ce dossier déjà suffisamment sulfureux. Mais plutôt que d'admettre leur égarement, voici que les pseudo-scientifiques se jettent sur les nouveaux clichés avec l'énergie que confère le désespoir (la survie d'un petit commerce juteux est un jeu, comme nous allons le voir par la suite). Le visage semble effectivement naturel, mais rien n'est encore joué !
Les pseudo-chercheurs commencent par mettre en doute la qualité des images brutes et les conditions de prises de vue. En 1976, l'orbiteur Viking avait survolé le visage par un bel après midi d'été et les ombres étaient bien marquées. Mars Global Surveyor a photographié le visage dans des conditions bien moins propices. La prise de vue de 1998 a eu lieu en hiver et en fin de matinée, ce qui a eu plusieurs conséquences fâcheuses : les ombres au sol n'étaient pas marquées, la lumière se réfléchissait par endroit sur des plaques de givre et, pour couronner le tout, la région était aussi recouverte par une fine couche de brune qui a masqué certains détails. De plus, alors que pour Viking la prise de vue s'était effectuée presque à la verticale, Mars Global Surveyor n'est pas passé exactement à l'aplomb du visage. La sonde est passée à côté du visage et a du basculer de 45° pour le placer dans le champ de la caméra. Résultat, le visage a été photographié en oblique.
Les arguments que nous venons de citer ont été rappelés plusieurs fois par les experts du visage, sans doute pour avertir la NASA que les images de Mars Global Surveyor n'allaient pas pouvoir se prêter à une analyse aussi rigoureuse que celle effectuée sur les clichés Viking. Bizarrement, le gain énorme obtenu en résolution n'est presque jamais mentionné ...
Les nouvelles images ont bien entendu ensuite été passées à la moulinette informatique, l'excitant exercice de l'analyse d'image étant facilité par le boom de la microinformatique. D'après les pseudo-chercheurs, une étude détaillée du visage montrerait une forte symétrie latérale ainsi que des éléments anatomiques nouveaux comme des lèvres et des narines positionnés le long de l'axe central de symétrie. La présence de structures linéaires au niveau de la tête (coupe de cheveux ?) serait également confirmée par MGS.