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    Roman Jakobson

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    GODOF
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    Roman  Jakobson Empty Roman Jakobson

    مُساهمة من طرف GODOF السبت 24 أبريل - 17:13







    RomanJakobson





    Roman
    Jakobson (Moscou, 1896 - Boston, 1982). Membre de l'école des
    formalistes
    russes. Il enseigne entre les deux guerres en Tchécoslovaquie où il
    devient un
    des chefs de file du Cercle linguistique de Prague. En 1939-40, il passe
    deux
    ans en Scandinavie où il fréquente le Cercle linguistique de Copenhague.
    De
    1942 à 1946, il est professeur de linguistique à New York où il commence
    une
    étroite collaboration avec Claude Lévi-Strauss. À partir de 1950 jusqu'à
    sa
    retraite en 1967, il est professeur de langues et de littératures slaves
    ainsi
    que de linguistique générale à l'université de Harvard et au
    Massachussetts
    lnstitute of Technology.
    ___________________

    Henri
    Meschonnic (Libération, 29 juillet 1982)



    Mort de Roman Jakobson

    Le
    linguiste qui vient de mourir n'était pas seulement célèbre parmi ses
    pairs.
    Avec Lacan et Lévi-Strauss, il fut l’un des trois mousquetaires du
    structuralisme triomphant (qui bien sûr étaient quatre avec Barthes).
    Lumineux
    linguiste et fou de poésie, Roman Jakobson installa son campement sur la
    frontière :
    au mont de la poétique. Pour
    Libération, Henri Meschonnic,
    familier de ce paysage, commente les
    traces laissées par Jakobson.

     

    « Ce
    siècle s’en va. De disparition en disparition, ceux qui l’ont fait ne
    meurent
    pas, mais s’effacent. On ne sait ce qui précède, leur mort ou leur
    effacement.
    Ils avaient déjà commencé à disparaître en se transformant en leurs
    propres
    statues, auxquelles une époque rendait un culte. Barthes, Lacan. Comme
    les
    chahuts dadaïstes sont devenus des œuvres complètes, et des valeurs en
    salles
    des ventes.

    Avec Roman Jakobson (né en
    1896), c’est un peu de la jeunesse vieillie du XXe siècle,
    qu’il tenait vivante en lui, qui s’en va. Roman Jakobson a représenté
    plus que
    tout autre, non seulement la linguistique, pour les linguistes et pour
    les
    non-linguistes, mais une double image des sciences humaines : celle de
    l’interdisciplinarité, et celle du primat de la linguistique à l’époque
    structuraliste. Un modèle épistémologique. Et un moment dans l’histoire
    des
    stratégies.

    C’est que Roman Jakobson n’est pas seulement un linguiste. C’est
    peut-être
    d’abord, de sa jeunesse à son grand âge, un futuriste qui est resté
    futuriste.
    Il n’y revient pas seulement dans ses derniers dialogues comme on revit
    son
    passé en vieillissant. II y insiste sur son intimité avec la peinture et
    les
    peintres futuristes, avec Malevitch, la poésie et les poètes du
    futurisme
    russe, parce qu’il ne s’est jamais départi du simultanéisme ébloui qui
    mêlait,
    au début de ce siècle, l’art et la science, les jeux de langage et de
    formes
    avec la popularisation de la relativité selon Einstein. Qu’il expliquait
    à
    Maïakovski. Ce futur a été son passé et son présent. C’est ce qui fait
    le
    caractère synthétique de son œuvre, son enthousiasme séducteur, la
    vitalité de
    son contact personnel, dont témoigne Krystina Pomorska, dans les
    derniers Dialogues,
    et les effets de charme de sa pensée. Lui qui a toujours vu en
    Khlebnikov, avec
    sa mystique des nombres, le plus grand poète du siècle, lui qui a écrit,
    après
    la mort de Maïakovski, " Sur une génération qui a dilapidé ses poètes ”,
    c’est
    le même qui donne pour homogènes la linguistique, la poétique,
    l’anthropologie, la théorie de l’information, la théorie de la
    traduction, les
    mathématiques, la psychologie, la biologie, la sémiotique. Il a fait une
    poésie
    de la linguistique autant qu’une linguistique de la poésie.

    Ses
    transhumances décrivent le paysage et l’histoire de la pensée du langage
    et de
    la littérature en ce siècle. Du Cercle linguistique de Moscou en 1915 au
    Cercle
    linguistique de Prague, puis à Columbia, à New York, pendant la guerre,
    et à
    Harvard et au Massachusetts Institute of Technology (M.I.T.), son trajet
    représente plus qu’une série de migrations, il totalise et confisque
    presque, à
    son profit, le formalisme russe, le structuralisme linguistique de
    Prague, et
    la tension tenue entre linguistique et littérature, linguistique et
    anthropologie. Ce que marquent successivement ses liens avec Maïakovski,
    Troubetzkoy, Lévi-Strauss. Sa personnalité a absorbé le structuralisme
    au point
    qu’il en a été peut-être le représentant le plus illustre, au-dessus de
    toute
    analyse critique. Linguiste, mais philologue aussi, écrivant sur et en
    plusieurs langues, mais slavisant d’abord, son installation en Amérique
    n’a
    fait que marquer son caractère de grand européen. Non seulement parce
    que sa
    culture est pan-européenne, et aussi, pour l’essentiel, s’y limite, mais
    parce
    que les problèmes théoriques qu’il pose sont ceux d’une linguistique
    européenne.

    Jakobson a été
    l’incarnation du triomphalisme structuraliste, son moment le plus beau.
    Sa
    conférence de 1960, « Linguistique et poétique » (dans Essais de
    linguistique générale
    , chapitre XI) en est tout entière un chef
    d’œuvre, se
    terminant sur ce ramassé d’utopie : “ Chacun de nous ici,
    cependant, a définitivement compris qu’un linguiste sourd à la fonction
    poétique comme un spécialiste de la littérature indifférent aux
    problèmes et
    ignorant des méthodes linguistiques sont d’ores et déjà, l’un et
    l’autre, de
    flagrants anachronismes
     ” (p. 248). L’exemple célèbre en a été en
    1962, avec Claude Lévi-Strauss, l’analyse des « Chats » de Charles
    Baudelaire (reprise dans Question de poétique).

    En
    incluant la poétique (c’est-à-dire l’analyse de ce qu’il y a de
    spécifique à la
    littérature) à l’intérieur de la linguistique, Jakobson donnait toute
    son
    autorité à la réduction formaliste de la littérature : l’analyse
    linguistique de la poésie non seulement restait dans le dualisme de la
    forme et
    du sens, mais renforçait, par son allure scientifique, une notion
    formelle de
    la poésie. Rendant invisible la contradiction par laquelle la
    linguistique,
    avec des concepts linguistiques, ne peut pas analyser la poésie, mais ne
    peut y
    voir que des formes linguistiques, qui présupposent une idée rhétorique
    de la
    poésie.

    Toute une époque a
    suivi. La scolarisation de ce structuralisme lui a assuré en extension
    ce
    qui lui manquait en compréhension. Le règne des structures a été, et est
    encore, celui des parallélismes, des enchâssements, des figures
    d’inclusion.
    D’où un triple glissement, de la poétique à la rhétorique, de la
    rhétorique à
    la stylistique, de la linguistique à la stylistique.

    Pourtant, plus que tout autre linguiste du XXe siècle,
    Jakobson
    a mis ainsi la poétique au centre des questions du langage. Le paradoxe
    de la
    poétique de Jakobson est de montrer les enjeux de la littérature sans
    pouvoir
    les dire - à moins de sortir de la linguistique. Aussi le modèle des six
    fonctions du langage, chez Jakobson, qui a le grand mérite d’interdire
    les
    réductions antérieures de la poésie à l’émotion (et le binaire
    poésie-émotion,
    prose-raison discursive) laisse-t-il la poésie dans un rapport ambigu à
    la
    “ fonction poétique ”, qui se manifeste aussi bien dans un slogan
    publicitaire. La perfection même des analyses structurales a mené le
    modèle
    structuraliste aux limites, reconnues depuis longtemps, des absences du
    sujet
    et de l’histoire.

    À la présence de la poésie dans le langage a correspondu celle de la
    poétique
    dans la linguistique. C’est sans doute ce qui compte, plus que le choix
    d’une poésie
    formalisée, sonnets ou poésie formulaire, qui restreint la poésie à une
    poésie,
    comme il restreint la poétique à une poétique. C’est le cadre et les
    limites de
    sa perfection dans l’analyse structurale. L’effort de scientificité bute
    sur
    les limites mêmes que suppose sa notion de la poésie, aussi la
    reproduction
    n’en est-elle pas tant une extension qu’un épigonalisme. Son extension
    est sa
    mise à l’épreuve. Sa continuité est dans sa critique.

    L’invention des concepts, chez Jakobson, s’est faite sur l’enjeu de la
    poésie : aussi bien le renouvellement de la métaphore et de la métonymie
    (et leur opposition plus sérieuse qu’efficace), que la notion de poésie
    de la
    grammaire. Mais si la poésie a une telle place, chez Jakobson, c’est
    qu’elle
    n’est pas séparable d’un enjeu plus important encore, et dont on dirait
    qu’elle
    le cache en le manifestant.

    En poétisant la pensée du langage, autorisant toute une époque à prendre
    Mallarmé et Artaud pour des théoriciens du langage, Jakobson menait, à
    travers
    la littérature, un combat qui déborde le théorique, contre Saussure. Là,
    comme
    pour tout linguiste, la représentation de Saussure est révélatrice. Et
    les
    héritiers l’ont encore simplifiée. Saussure est sommairement, représenté
    comme
    chez Bakhtine, par l’abstraction de la langue. Par là, I’enjeu est
    arbitraire
    du signe linguistique, c’est-à-dire le non-rapport originel du langage à
    la
    nature et des mots aux choses. Et tout l’itinéraire de Jakobson est
    marqué par
    un mouvement de plus en plus fort vers le rapport naturel des mots et
    des
    choses. Ce mouvement situait sa référence à la sémiotique de Peirce,
    jouée
    contre la linguistique le Saussure (par exemple dans « À la recherche de
    l’essence du langage » , dans « Problèmes du langage », Diogène
    n°51, Éditions Gallimard, 1966). Jusqu’à s’appuyer sur Joseph de Maistre
    (dans Main
    Trends in the Science of Language
    , New York, Éditions Harper, 1973),

    Cette poussée vers la motivation-nature est une stratégie qui se livre à
    travers la recherche du langage, en montrant que son enjeu la déborde
    L’enjeu
    est l’historicité du langage, des sujets, des sociétés, des valeurs. Et
    Jakobson, par sa lutte et ses arguments contre l’arbitraire du signe,
    permet
    profondément une alliance entre la linguistique et la phénoménologie,
    heideggérienne en particulier. Il maintient, sous couvert de science, un
    irrationalisme du rythme – sa continuité futuriste – qui n’a que la
    métrification pour garde-fou. Ce qui situe le privilège des métriques.
    C’est
    une pensée analogique, par Jakobson, en particulier, qui s’est étendue
    jusqu’à
    représenter une époque : analogie entre la linguistique et la biologie,
    révélatrice plus que toute autre, à travers la science cybernétique et
    la
    notion de code génétique, du rêve théologique qui continue de régir
    l’union des
    mots et des choses, le religieux dans le langage et dans le politique.
    Les
    problèmes techniques du langage y ont leur extension maximale.

    Jakobson les a portés à leur extension maximale. C’est plus par là que
    par la
    variété de ses recherches, de l’aphasie au folklore, qu’il a été de ceux
    qui
    font une époque. Mais la donne change sans cesse. Les programmes
    s’inaccomplissent. La maîtrise est sans doute l’identification totale
    d’une
    histoire et d’une question, et quel que soit son sens, par-delà tout
    hommage,
    par delà le musée, c’est la force de Jakobson. »


    Bibliographie
    (extrait) :

    * Remarques sur
    l’évolution phronologique du russe comparée à celle des autres langues
    slaves

    (Travaux du Cercle linguistique de Prague, 1929 ; Kraus Reprint).

    * Essais
    de linguistique générale I
    . Les Fondations du langage (Minuit, 1963
    et
    « Reprise », 2003).

    * Problèmes du langage,
    ouvrage collectif (Gallimard, 1966).

    * Essais
    de linguistique générale II
    . Rapports internes et externes du
    langage
    (Minuit, 1973).

    * Langage enfantin et aphasie (Minuit, 1969 ; Flammarion,
    « Champs » n°88, 1980).

    * Hypothèses sur la
    linguistique
    . Trois entretiens et trois études sur la linguistique
    et la
    poétique, Roman Jakobson, Morris Halle, Noam Chomsky (Laffont / Seghers,
    1972).


    * Questions de poétique (Le Seuil, 1973 ; réédition partielle
    sous
    le titre Huit questions de poétique, « Points essais » n°85,
    1977).

    * Six
    leçons sur le son et le sens
    (Minuit, 1976).

    * La Charpente phonique du langage, en collaboration avec Linda
    Waught
    (Minuit, 1980).

    * Dialogues, Roman
    Jakobson et Kristina Pomarska (Flammarion, 1980).

    * Une
    vie dans le langage
    . Autoportrait d’un savant (Minuit, 1985).

    * Russie, folie, poésie
    (Le Seuil, 1986).

    * La Génération qui a gaspillé ses poètes (Allia, 2001).

      الوقت/التاريخ الآن هو الجمعة 15 نوفمبر - 7:19