Bref
Céreq 1
n° 205
février 2004 •••
Souvent d’origine sociale défavorisée,
les jeunes issus de
l’immigration sont proportionnellement
moins nombreux
que les autres à poursuivre
leurs études après le baccalauréat.
Même lorsque tel
est le cas, leur passage par
l’enseignement supérieur
ne parvient pas toujours à
gommer le poids de leur origine,
en particulier lorsqu’ils
sont issus de l’immigration
nord-africaine. Plus souvent
confrontés au chômage, à
la précarité de l’emploi, les
jeunes d’origine maghrébine,
et notamment les jeunes
femmes, ont en effet plus de
difficultés à entrer dans la
vie active. Pour accéder à
leur premier emploi, ils ont
fréquemment recours à l’intérim,
au travail saisonnier
ou à des mesures publiques
d’aide à l’emploi.
LES JEUNES ISSUS DE
L’IMMIGRATION
De l’enseignement supérieur
au marché du travail
Près de 370 000 jeunes sont entrés sur le marché du travail en 1998 après avoir fait
des études supérieures. 17 500 d’entre d’eux étaient originaires, par leurs parents, du
Maghreb, et 16 500 d’Europe du Sud. Descendants des deux groupes de migrants les
plus importants dans la société française, ils font partie des jeunes issus de l’immigration
les plus représentés dans l’enseignement supérieur. D’une origine sociale nettement
plus populaire et défavorisée que leurs pairs ayant des parents français, leur passage
par l’enseignement supérieur parvient-il à éliminer les effets de leur ascendance lors de
l’entrée dans la vie professionnelle ? La question mérite d’être posée car, avant même
d’entrer dans la vie active, ces enfants de la démocratisation scolaire suivent généralement
des parcours de formation différents de ceux des autres jeunes, qui laissent entrevoir
toutes les difficultés auxquelles ils seront confrontés sur le marché du travail. Elle
se justifie d’autant plus qu’il est fréquemment admis qu’existent à l’embauche, et plus
généralement dans le monde du travail, de nombreux phénomènes de discrimination,
notamment envers les personnes issues de l’immigration maghrébine.
Des caractéristiques sociales et scolaires
contrastées selon le pays de naissance des parents
Sur l’ensemble des jeunes qui ont poursuivi des études dans l’enseignement supérieur,
près de 25 % n’y ont pas obtenu de diplôme. Cette proportion est de 29 % pour les jeunes
originaires d’Europe du Sud alors qu’elle atteint 46 % pour ceux issus de l’immigration
maghrébine. Ces écarts sont étroitement corrélés au parcours scolaire et, pour un grand
nombre de jeunes, à des conditions sociales et familiales moins favorables.
Les enfants de l’immigration d’Afrique du Nord sont en effet nettement plus nombreux
à avoir passé leur baccalauréat avec retard ou à avoir obtenu un baccalauréat technologique.
Par ailleurs, la plupart d’entre eux sortent de l’université, généralement de
disciplines juridiques, économiques, littéraires ou de sciences humaines, alors que la
moitié des jeunes originaires d’Europe du Sud ou français d’origine ont fréquenté d’autres
établissements de l’enseignement supérieur. Toutefois, même dans ces établissements,
les spécialités suivies par les jeunes diffèrent selon le pays de naissance des parents.
Les écarts sociaux, liés aux origines nationales, sont également très nets parmi les jeunes
qui ont poursuivi leurs études après le baccalauréat. Ceux issus de l’immigration sont plus
nombreux à avoir un père ouvrier. Mais plus que les autres, les jeunes originaires du Maghreb
ont une famille confrontée à la précarité sociale : les pères sont plus fréquemment
au chômage ou inactifs, mais aussi plus souvent décédés ; les mères sont très souvent en
situation d’inactivité professionnelle. Les différences de situation sociale et économique des
parents (cf. graphique page 2), qui de façon générale ont un effet important sur l’insertion
professionnelle, expliquent sans doute pour une large part les difficultés auxquelles sont
confrontés les jeunes d’origine maghrébine lorsqu’ils entrent dans la vie active.
Enfin, autre différence majeure, à chaque niveau de sortie de l’enseignement supérieur, les
jeunes femmes originaires d’Afrique du Nord sont plus nombreuses que leurs homologues
masculins, y compris au niveau du troisième cycle, alors que les jeunes femmes d’origine
française ou sud-européenne ne sont pas majoritaires à ce dernier niveau.
Céreq • Bref
2
•••
n° 205 février 2004
Situation professionnelle des parents
lorsque les jeunes sont sortis du système éducatif
Origine
des jeunes
Leur mère
est inactive
Leur père est au
chômage ou inactif
Leur père
est ouvrier
Leur père
est cadre
5 %
8 %
18 %
46 %
40 %
20 %
31 %
11 %
10 %
68 %
35 %
30 %
Maghreb
Europe du Sud
France
Champ : jeunes sortis du système éducatif en 1998.
Source : enquête Génération 98, Céreq, 2004.
Les jeunes d’origine maghrébine :
une insertion plus souvent
marquée par le chômage…
Ces différences sociodémographiques et de
parcours scolaires sont à l’origine de trajectoires
d’insertion très contrastées qui confirment la
nature disparate de la catégorie des personnes
considérées comme étant « issues de l’immigration
». Au sortir de l’enseignement supérieur, les
conditions d’entrée dans la vie active des jeunes
d’origine sud-européenne ne diffèrent qu’assez
peu de celles des jeunes d’origine française. En
revanche, elles sont plus difficiles pour les jeunes
issus de l’immigration maghrébine (cf. tableau
page ci-contre).
Ces derniers doivent attendre en moyenne 4 mois
avant d’accéder à leur premier emploi, contre
3,4 mois pour les jeunes originaires du sud de
l’Europe et 3,3 mois pour ceux originaires de
France. Ces écarts sont faibles mais ils masquent
une dispersion plus forte du temps d’insertion
parmi les jeunes originaires d’Afrique du Nord :
près de 10 % d’entre eux ont passé plus d’une
année à rechercher leur premier emploi, contre
6 % pour les jeunes originaires d’Europe du Sud
ou de France.
Le taux de chômage des jeunes diminue au cours
des trois premières années de vie active. Au fil
du temps, il reste néanmoins toujours plus élevé
chez les jeunes d’origine maghrébine, quel que
soit le niveau de formation. Par ailleurs, au sein
de ce groupe, les jeunes femmes, largement majoritaires,
sont plus touchées par le chômage que
les hommes, alors que tel n’est pas le cas pour les
jeunes femmes d’origine sud-européenne.
Plus nombreux à être confrontés au chômage,
les jeunes originaires d’Afrique du Nord passent
également plus de temps à la recherche d’un emploi.
Ceux qui ont connu le chômage ont passé
au total 9,6 mois dans cette situation durant leurs
trois premières années de vie active, contre 7,5
mois pour les jeunes d’origine française et moins
encore (7,1 mois) pour ceux originaires d’Europe
du Sud. L’écart entre jeunes issus de l’immigration,
maghrébine d’une part et sud-européenne
d’autre part, observable quel que soit le niveau
de diplôme, peut se lire comme l’effet de discriminations
ethniques sur le marché du travail
pratiquées notamment au cours des procédures
d’embauche.
Par ailleurs, si les jeunes femmes sont systématiquement
plus exposées au chômage que les hommes,
c’est au sein de la population originaire du
Maghreb que les différences entre sexes sont les
plus marquées. 15 % des jeunes femmes issues
de l’immigration nord-africaine ont recherché un
emploi pendant plus d’un an au cours de leurs
trois premières années de vie active, contre 10 %
de leurs homologues masculins. Une origine
maghrébine semble donc renforcer les inégalités
auxquelles les femmes sont confrontées sur le
marché du travail.
Pour l’ensemble des jeunes, le niveau de diplôme
atténue ou augmente, selon les cas, la durée de
recherche d’emploi. Ainsi, les titulaires d’un BTS
ou d’un DUT sont moins exposés au chômage
que les jeunes ayant au minimum un diplôme
de niveau bac+3. En revanche, n’avoir d’autre
diplôme que le baccalauréat maximise la durée
de recherche d’emploi. Ceci joue en défaveur des
jeunes originaires d’Afrique du Nord qui sont, en
proportion, nettement plus nombreux dans cette
situation au sortir de l’enseignement supérieur.
… et par des emplois précaires
Les contrats temporaires sont le lot commun des
jeunes qui sortent de l’enseignement supérieur,
avec ou sans diplôme, lorsqu’ils accèdent à leur
premier emploi. Mais là encore, tous n’ont pas
le même risque d’être exposés à la précarité :
CDD (contrats à durée déterminée), missions
d’intérim, emplois aidés… représentent 61 % des
premiers emplois pour les jeunes originaires de
France, 66 % pour ceux issus de l’immigration
sud-européenne et 70 % pour ceux originaires
du Maghreb. Par ailleurs, si environ un tiers des
jeunes, quelle que soit leur origine, accèdent à
l’emploi par un CDD, ceux issus de l’immigration
nord-africaine se différencient de leurs homologues
d’origine française ou sud-européenne par
la prépondérance des formes d’emploi les plus
précaires, tel l’intérim ou le travail saisonnier, et
des mesures publiques pour l’emploi. Ces deux
formes d’emploi représentent 41 % des premiers
emplois des jeunes d’origine maghrébine, contre
respectivement 33 % et 26 % pour les jeunes
d’origine sud-européenne et française.
L’origine étrangère :
Sur la base des données
de l’enquête « Génération
98 » (cf. encadré page 4),
sont considérés comme
d’origine étrangère les
jeunes dont au moins l’un
des deux parents est né
dans un pays étranger
et n’a pas été déclaré
« français de naissance ».
• Les jeunes originaires
d’Europe du Sud ont un
parent né en Espagne, au
Portugal ou en Italie.
• Ceux originaires
du Maghreb ont un
parent né en Algérie, au
Maroc ou en Tunisie.
Dans le cas où un jeune a
un parent né en Europe du
Sud et l’autre au Maghreb,
il est considéré ici comme
originaire du Maghreb.
• Enfin, les jeunes
français d’origine ont
leurs deux parents nés
en France ou déclarés
« français de naissance ».
Céreq • Bref
3 n° 205 février 2004
Parcours d’insertion
des jeunes issus
de l’immigration,
en quelques
indicateurs
Premier emploi Déroulement des trois premières années de vie active
Origine
des jeunes
• Niveau
de diplôme
Effectifs
En mois En % En % En % En mois En mois En % En % En % estimés
Maghreb Bac+3 ou plus 3,9 12 19 7 4,5 9,8 54 13 13 4 425
Bac+2 3,5 15 15 21 3,3 7,4 56 8 18 5 012
Bac 4,4 20 29 23 5,5 10,7 49 16 30 8 126
Ensemble 4,0 17 27 19 4,6 9,6 52 13 23 17 563
Europe du Sud Bac+3 ou plus 3,5 15 25 7 2,9 7,9 63 7 12 5 733
Bac+2 2,7 16 18 29 2,4 5,4 56 5 11 5 971
Bac 4,0 16 27 26 3,9 8,4 54 10 22 4 753
Ensemble 3,4 16 23 21 3 7,1 58 7 14 16 457
France Bac+3 ou plus 3,4 13 18 7 3,1 7,8 61 8 9 122 079
Bac+2 2,7 13 13 18 2,7 6,4 58 5 12 122 650
Bac 4,1 17 25 19 4,1 8,9 55 11 24 73 914
Ensemble 3,3 14 18 14 3,1 7,5 58 8 14 318 643
• Sexe
Maghreb Femmes 4,8 19 27 14 5,2 10,1 48 15 26 10 358
Hommes 2,9 13 16 26 3,7 8,7 57 10 18 7 205
Europe du Sud Femmes 3,7 16 31 13 3,3 7,4 56 8 17 9 324
Hommes 2,9 15 12 31 2,7 6,6 60 6 11 7 133
France Femmes 3,5 14 23 10 3,5 7,9 55 9 16 172 897
Hommes 3,0 13 11 18 2,7 7,1 62 6 11 145 746
* Accès en plus de trois mois, à un emploi de moins d’un an. Champ : jeunes sortis du système éducatif en 1998.
** Chômeurs : jeunes ayant traversé au moins une période de chômage au cours de leurs trois années de vie active. Source : enquête Génération 98, Céreq, 2004.
Il ont occupé
un emploi aidé
Ils ont passé plus
d’un an au chômage
Ils n’ont jamais été
au chômage
Temps moyen passé en
recherche d’emploi,
pour les chômeurs**
Temps moyen passé en
recherche d’emploi
Intérim
À temps partiel
Accès long à un
emploi court*
Temps moyen
d’accès
Les dispositifs d’aide à l’emploi constituent un
véritable mode d’insertion pour les jeunes originaires
du Maghreb. Notamment pour ceux qui sont
sortis de l’enseignement supérieur sans y obtenir
de diplôme : 17 % d’entre eux y ont eu recours
pour accéder à leur premier emploi (contre 13 %
pour leurs pairs d’une origine autre). Parmi ces
mesures, les emplois-jeunes occupent une place
prépondérante. Les jeunes originaires du Maghreb
recrutés dans le cadre du dispositif « Nouveaux
services-Emplois jeunes » ont, pour la majorité
(59 %), occupé des postes d’aides-éducateurs dans
l’Éducation nationale. Mais, même si les emplois-
jeunes étaient fondés sur le principe de la
professionnalisation dans l’emploi et impliquaient
une stabilisation sur le moyen terme (5 ans), ils
n’ouvraient pas toujours les mêmes possibilités
que les contrats de qualification d’acquérir une expérience
professionnelle reconnue et sanctionnée
par un titre ou un diplôme. Or, parmi les jeunes
originaires du Maghreb qui ont accédé aux mesures
pour l’emploi, peu nombreux sont ceux qui ont
bénéficié d’un contrat de qualification.
Les différentes mesures pour l’emploi sont perçues
par ces jeunes, d’origine populaire pour la plupart,
comme un moyen d’accumuler de l’expérience
professionnelle et de pallier l’inexistence de réseaux
d’accès à l’emploi. Cette absence de capital
social est particulièrement préjudiciable aux jeunes
originaires du Maghreb dont les parents ont
subi le poids des restructurations économiques
et se trouvaient, pour bon nombre, inactifs ou au
chômage lorsque leurs enfants sont entrés dans la
vie active.
Si, globalement, les jeunes femmes accèdent en
plus grand nombre au premier emploi via un
contrat aidé, ceci est encore plus net parmi les
jeunes originaires du Maghreb. Enfin, si en début
de vie active l’intérim et le temps partiel touchent
massivement les jeunes ayant un bas niveau de
qualification, ils n’épargnent pas ceux qui ont fait
des études supérieures. Ces deux modes d’accès
au premier emploi sont toutefois très marqués
sexuellement : aux jeunes hommes l’intérim et
aux jeunes femmes le travail à temps partiel. L’un
comme l’autre concernent davantage les jeunes
issus de l’immigration, en particulier ceux originaires
de l’Europe du Sud (cf. tableau ci-dessus).
Il est vraisemblable que le recours à l’intérim
procède, de la part de ces jeunes, d’une stratégie
d’intégration au marché du travail : le fait de multiplier
les expériences professionnelles compenserait
en quelque sorte l’absence ou la faiblesse du
réseau relationnel et permettrait de surmonter les
réticences et préjugés des futurs employeurs en
faisant la preuve de leur employabilité.
À lire également
• 80 % d’une génération au
bac… et après ? Les enfants
de la démocratisation
scolaire, S. Beaud, Paris,
La Découverte, 2002.
• « Les enfants d’immigrés
sur le marché du travail :
les mécanismes d’une
discrimination sélective »,
R. Silberman in
Immigration, marché du
travail, intégration, F. Héran
(coord.), Commissariat
général du Plan, 2002.
• Jeunes issus de
l’immigration. De l’école
à l’emploi. F. Aubert,
M. Tripier, F. Vourc’h,
L’Harmattan, 1997.
• L’insertion des jeunes
d’origine étrangère,
M. Viprey, Les éditions
des Journaux officiels,
collection « Avis et
rapports du Conseil
économique et social »,
n° 12, 2002.
4
ISSN - 0758 1858
Céreq
Direction de la publication : Hugues
Bertrand. Rédaction : Isabelle Bonal.
Commission paritaire n° 1063 ADEP.
Reproduction autorisée à condition
expresse de mentionner la source.
Dépôt légal n° 49-459.
Centre d’études et de recherches
sur les qualifications
10, place de la Joliette,
BP 21321,
13567 Marseille cedex 02.
Tél. 04 91 13 28 28.
Fax 04 91 13 28 80.
http://www.cereq.frImprimé par le Céreq
n° 205 février 2004
Au bout de trois ans de vie active,
des différences encore marquées
Trois années après la fin de leurs études supérieures,
l’ensemble des jeunes ayant quitté le
système éducatif en 1998 (cf. encadré ci-contre)
est massivement en emploi. La minorité au
chômage oscille entre 4,5 % pour les jeunes
d’origine sud-européenne, 5,6 % pour les jeunes
d’origine française et 10 % pour ceux d’origine
maghrébine. Les inégalités face à l’emploi persistent
donc, et toujours en défaveur des jeunes
d’origine maghrébine, même si le passage par
l’enseignement supérieur reste le gage d’une
stabilisation dans l’emploi et que l’élévation du
niveau de diplôme s’accompagne d’une meilleure
sécurité de l’emploi.
Au terme des trois premières années de vie active,
la proportion de jeunes travaillant sous contrat
aidé a progressé pour les jeunes d’origine maghrébine
et s’est maintenue pour les autres : elle est
de 17 % pour les premiers contre respectivement
8 % et 9 % pour les français et les sud-européens
d’origine. Et parmi ces mêmes jeunes originaires
d’Afrique du Nord, ce sont toujours les femmes
qui bénéficient le plus de ce type de contrat. Pour
ces dernières, les emplois-jeunes apparaissent
d’autant plus essentiels qu’ils constituaient un
des rares dispositifs leur permettant d’intégrer le
marché du travail et ainsi de compenser à la fois la
faiblesse de leur réseau relationnel et les inégalités
dont elles sont victimes en tant que femmes mais
aussi en tant qu’enfants d’immigrés.
Il est à noter que les jeunes d’origine maghrébine,
qu’ils aient ou non fait des études supérieures, ne
bénéficiaient pas plus que les autres des mesures
d’aide à l’emploi avant la mise en place des
emplois-jeunes. Ce dispositif a donc en partie
changé leurs modes d’insertion en créant un
nouveau débouché auquel bon nombre d’entre
eux ont eu recours. On peut se demander quelles
seront les conséquences de la suppression de ce
dispositif sur leur insertion et il est à craindre que
les situations de chômage n’augmentent.
Au fil des années passées sur le marché du travail,
la part des emplois de catégorie « cadre ou
profession intermédiaire » est en forte croissance.
Au premier emploi, près de 49 % des jeunes issus
de l’immigration maghrébine occupaient un poste
de cette catégorie. Trois années après la fin des
études, le changement est manifeste : ils sont près
de 63 %, parmi ceux qui travaillent, à être cadre
ou à exercer une profession intermédiaire. Cette
proportion reste néanmoins inférieure à celles
observées chez leurs pairs dont les parents sont
nés en Europe du Sud (65 %) ou en France (70 %),
principalement en raison du grand nombre de
jeunes sans autre diplôme que le baccalauréat au
sein de la population d’origine maghrébine.
Si l’effet du diplôme sur la position sociale est perceptible
dès les premières embauches, il continue
à jouer positivement tout au long des premières
années de vie active. Ce sont les jeunes les plus
diplômés, ayant au moins un bac+4, qui consolident
de manière significative leurs positions sur
les emplois de cadres. Ainsi, 72 % des jeunes
originaires du Maghreb titulaires d’un diplôme
de troisième cycle occupent un emploi de cadre
supérieur au bout de trois ans de vie active. Cette
proportion est inférieure de 4 et 8 points à celles
de leurs pairs dont les parents sont nés en Europe
du Sud ou en France. Il n’en demeure pas moins
que la corrélation entre le niveau de diplôme
et la position sociale reste forte, quelle que soit
l’origine des diplômés.
Il semble qu’en début de vie active les jeunes issus
de l’immigration d’Afrique du Nord ayant suivi
des études supérieures subissent moins un déclassement
social que des difficultés spécifiques pour
accéder à l’emploi. Le niveau de chômage, la durée
de la recherche d’emploi ou la fréquentation
des dispositifs d’aide à l’emploi constituent autant
d’indices tangibles des obstacles que ces jeunes
rencontrent à l’entrée de la vie professionnelle et
qu’ils essaient de contourner en ayant plus souvent
recours à des formes particulières d’emploi,
avec le risque d’être contraints à une plus grande
précarité professionnelle.
L’interprétation de ces inégalités d’insertion selon
l’origine nationale doit tenir compte des disparités
d’héritage social ou de capital scolaire et relationnel,
signalées à plusieurs reprises, et qui rendent
les jeunes plus ou moins vulnérables à l’entrée
dans la vie active. Elle doit aussi prendre en considération
les comportements et les stratégies des
jeunes et ne pas exclure l’action des intermédiaires
de l’emploi ou les pratiques d’embauche des
entreprises qui sont susceptibles de déboucher,
directement ou indirectement, sur des discriminations
dont les enfants de l’immigration d’Afrique
du Nord pourraient être les victimes.
Alain Frickey (CNRS, URMIS-SOLIIS),
Jake Murdoch (Céreq-IREDU-CNRS)
et Jean-Luc Primon (Université de Nice-
Sophia Antipolis, URMIS-SOLIIS).
Regards sur l’insertion professionnelle des jeunes
qui ont fait des études supérieures
Les données présentées dans ce Bref sont issues de l’enquête « Génération 98 »
réalisée par le Céreq au printemps 2001, sur le parcours scolaire et les premières
années de vie active d’une génération, celle des jeunes sortis du système éducatif
en 1998, quels que soient leur niveau et leur spécialité de formation. Cette enquête
comportait des questions permettant de définir l’ascendance nationale des jeunes.
Étant donné l’effectif limité de jeunes issus de l’immigration, seuls deux groupes de
jeunes ont pu faire l’objet de comparaisons : ceux originaires d’Europe du Sud
d’une part et du Maghreb d’autre part (cf. définition page 2).
Les analyses proposées dans ce Bref sont le fruit de réflexions menées dans le
cadre du groupe d’exploitation thématique « Insertion et différentiation sociale »
de l’enquête « Génération 98 ». Centrées sur les jeunes ayant poursuivi leurs
études après avoir obtenu un baccalauréat, elles s’appuient également sur des
réflexions menées au sein du « Groupe de travail sur l’Enseignement supérieur »
créé en 1993 par le Céreq.
Pour en savoir plus
• Les débuts dans la vie
active des jeunes issus
de l’immigration après
des études supérieures,
A. Frickey, J. Murdoch,
J.-L. Primon, NEF,
n° 9, février 2004.
• Les principaux résultats de
l’enquête « Génération 98 »
peuvent être consultés sur le
site du Céreq,
www.cereq.fr, rubrique
« Bases de données ».
• Le « Groupe de travail sur
l’enseignement supérieur »
sur internet :
matisse.univ-paris1.fr/gtes.[left]