Françoise Dolto : Actualité d’une pensée 1908-2008
12-13-14 décembre 2008 Maison de l’UNESCO Paris
Il y avait une volonté de s’écarter de toute forme de béatification de Françoise Dolto. « Elle ne voulait pas qu’on fasse du Dolto » disait un participant. Ce colloque est un vrai appel à la pensée libre et inventive. Notre héritage est là. Aussi l’œuvre de Dolto est mal connue car réduite à des lieux communs. C’est une grande théoricienne. Ses concepts porteurs sont l’image inconsciente du corps et les castrations symboligènes.
Elle exerce la psychanalyse comme pratique de l’inconscient qui touche les strates les plus archaïques du sujet. Acte de foi dans l’inconscient. Elle se glisse subjectivement au lieu le plus régressé du patient. Le sujet est pensé dans son devenir d'homme ou de femme, c’est à dire dans le génie de son sexe.
Chez Dolto, on note une absolue non-complaisance pour le monde de la régression. La fixité dans la régression est pathologique. Ce n’est pas la régression elle-même qui pose problème car elle peut être une recherche de sécurité. Elle préconisait dans certains cas, comme une opération, une prise en charge de bébé comme une balle qui redescend pour mieux rebondir.
Dans la cure, Françoise Dolto instaure une relation accueillante, une hospitalité. Elle fait entendre les impasses du patient dans lequel son désir s’est fourvoyé c’est à dire là où l’aspiration à l’humanité a été contredite. Elle fait également entendre les débouchés du désir.
Je retiens de son travail avec les enfants l’importance qu’elle accordait à la relation avec les parents. Travailler avec la mère permet de déculpabiliser l’enfant de guérir sinon il y a risque que l’un aille mieux et pas l’autre.
Aucun traitement analytique ne peut advenir sans qu’émerge la souffrance. Elle disait à un enfant « ta souffrance c’est ta richesse ». La reconnaissance de la souffrance de l’autre comme lui appartenant en propre est la condition au renoncement des symptômes.
Retour à Freud. En écartant la réalité du traumatisme Freud a inventé la psychanalyse et la question fondamentale du fantasme. Pour autant le traumatisme n’en existe pas moins. Dolto donne un statut précis au traumatisme c’est ce qui a permis à l’enfant de contourner une castration symboligène. Ainsi tout traumatisme non élaboré porte en lui ses fruits de morts pour la prochaine étape de développement. Les enfants psychotiques sont piégés par un problème qu’ils ne peuvent ni résoudre ni traverser.
Voici l’exemple d’un enfant « mordeur » et dangereux pour l’entourage. Après observation, Dolto se rend compte que la mère le nourrissait en le tripotant et créait ainsi des bouches partout, une sorte de cannibalisme psychique. La mère a une relation sadique à l’enfant car elle le pompe de sa tactilité. Dolto dit à l’enfant « tu croyais que c’était bien ce que ta mère faisait et tu pensais que tout le monde faisait comme cela ». C’est comme si la mère n’avait pas accepté sa propre castration orale et se rattrape sur le corps-objet de son enfant
Les mots « papa » et « maman » ne recouvrent pas l’idée de père et mère. Ainsi il arrive qu’un enfant gardé au foyer par son père sans emploi l’appelle « maman ». Le père est le tiers symbolique qui structure la relation. Le vrai instinct maternel existe dans la relation de la mère au père. Père et mère sont aptes tous deux à apporter les nécessaires castrations symboligènes. Il n’y a de père symbolique, qu’un père qui se réfère à son propre père. Et même si le grand père était terrible et en a fait baver à son fils, mieux vaut parler de cela que de ne rien en dire. Pour l’inconscient il n’y a de négatif que de l’absence d’en parler. Il n’y a rien qui ne peut être parlé à l’enfant. L’enfant a droit à la vérité de son histoire : ne jamais craindre la vérité aussi sidérante soit-elle.
Trois désirs se rencontrent pour s’incarner. Ceux du père, de la mère et de l’enfant à naître. « Tu as choisi de naitre » disait Françoise Dolto. Le sujet est la dans la vie pré natale en désir de rencontre. Il guette tout ce qui fait signe, il est en recherche de contact.
La perversion des parents est de prendre le besoin pour un désir et le désir pour un besoin. « Mon bébé vomit » dit une mère. Françoise Dolto lui répond « peut être a-t-il besoin de conversation ». Le besoin est ce qui fait vivre le corps et le désir est l’aspiration de vivre et de rencontrer le désir de l’autre, et de communiquer. Le désir porte en lui un fruit nouveau et inconnu
Françoise Dolto pense comme une psychanalyste et agit comme une citoyenne, de par ses actions de thérapie bénévole auprès de bébés abandonnés, d’émissions à la radio, de création de la maison verte et d’aide à la création de l’école de Neuville. Elle n’a pas peur de quitter son cabinet et d’aller dans la sphère sociale. Elle reste motivée par l’éthique du sujet. Face aux difficultés d’une époque, certains peuvent être dans la plainte. Selon sa fille Catherine, « Françoise Dolto retroussait ses manches ”. Je partage avec elle l’idée qu’une éthique est action.
Enfin je retiens la confiance de Dolto dans le sujet humain et sa potentialité à se restaurer par la parole.
Christine Paquis
Emission La tête au carré sur France Inter, le 7 novembre 2008,
avec Claude Halmos psychanalyste spécialiste de l’enfance et Elisabeth Roudinesco, historienne,
sur le thème « La psychanalyse et les media ».
Françoise Dolto n’a pas été la première à parler sur les ondes. Avant, Winnicott a parlé à la radio pendant de longues années, essayant de répondre aux problèmes des mères.
Quand Françoise Dolto accepte d’intervenir sur France Inter en 1977, dans l’émission « Lorsque l’enfant paraît… », elle pose des conditions. Aller dans les media est une pratique à hauts risques, car la psychanalyse pourrait être utilisée à des fins non psychanalytiques. Il est vital de ne pas céder sur le fond ; il s’agit de rendre compte d’un combat pour les enfants. En sachant qu’il ne faut pas se faire d’illusions, car certaines gens prennent une explication pour une loi générale. La difficulté est que le temps de parole est trop court pour développer une pensée. Françoise Dolto a demandé que l’émission se fasse en direct pour la rendre vivante et éviter tout montage.
Par l’originalité de son écoute, elle participe au changement dans la conception de l’enfant, qui avait débuté depuis le début du siècle. Elle écoute les enfants à hauteur d’enfant et fait attention aux détails qui ont de l’importance pour eux.
A l’époque, l’intervention de Françoise Dolto suscite des mouvements virulents chez les médecins.
Les deux interviewés disent qu’on leur demande leur avis sur tout et n’importe quoi, du genre « mon enfant fait pipi au lit, dites-moi que faire ». Elles évitent de donner des recettes, mais plutôt des pistes de réflexions.
Les medias parlent des « psy » en 3 lettres et ont tendance à niveler les débats. Aussi ils usent les sujets.
Extrait de l’émission. F. Dolto répond à une question sur l’autorité. A 18 mois, le « non » envers la mère est à respecter, car c’est une période très positive. L’enfant mute sa psychologie de bébé, c’est-à-dire il commence à ne plus faire qu’un avec sa mère. Il dit « non » pour faire (ou dire) « oui », comme s’il dit « je veux » : il advient à la possibilité de dire Je.
C. Halmos : Aujourd’hui, nous assistons à un déboulonnage, les détracteurs de F. Dolto disent qu’elle a promu « l’enfant roi ». Ce qui est faux, car elle prône l’autorité. Tous les désirs sont légitimes, mais pas tous réalisables. Il est important d’expliquer les règles à l’enfant et non pas le considérer comme un chien à dresser.
E. Roudinesco : Nous vivons dans une société de peur, qui voit la fin de l’autorité patriarcale. En fait, on met sur le dos de F. Dolto toutes les crises, ce qui est inadmissible.
Par exemple, la manœuvre est de sortir une phrase de son contexte, face à une mère folle d’angoisse parce que son enfant ne mange pas. F. Dolto répond qu’il mangera quand il en sentira le besoin. F. Dolto donne un mode d’explication proche de la clinique, or c’est repris (hors contexte) comme une forme de permissivité.
Les deux psychanalystes ne sont pas favorables à la psychologisation des problèmes et affirment que le meilleur héritage de F. Dolto est de ne pas être doltoien. Elle n’a pas souhaité fonder une école.
La raison pour laquelle F. Dolto est appréciée est que son langage est élégant, issu de son éducation vieille France, et qu’en même temps ses idées sont nouvelles, voire subversives. Elle se méfie du langage trop savant et veut rendre la justesse d’un concept pour que les gens comprennent. Elle veut aider ces parents et surtout ne pas les déposséder de leurs problèmes.
La psychanalyse marche sur un fil : tantôt objet d’adoration à l‘intérieur de la psychanalyse et tantôt objet de haine. Référence au livre noir de la psychanalyse en 2005, succès médiatique à cause du journal Le Nouvel Observateur, livre « d’une nullité totale et bourré d’erreurs » selon Roudisnesco. C’est n’est pas une critique de la psychanalyse, mais une pure manifestation de haine. La haine empêche de penser.
12-13-14 décembre 2008 Maison de l’UNESCO Paris
Il y avait une volonté de s’écarter de toute forme de béatification de Françoise Dolto. « Elle ne voulait pas qu’on fasse du Dolto » disait un participant. Ce colloque est un vrai appel à la pensée libre et inventive. Notre héritage est là. Aussi l’œuvre de Dolto est mal connue car réduite à des lieux communs. C’est une grande théoricienne. Ses concepts porteurs sont l’image inconsciente du corps et les castrations symboligènes.
Elle exerce la psychanalyse comme pratique de l’inconscient qui touche les strates les plus archaïques du sujet. Acte de foi dans l’inconscient. Elle se glisse subjectivement au lieu le plus régressé du patient. Le sujet est pensé dans son devenir d'homme ou de femme, c’est à dire dans le génie de son sexe.
Chez Dolto, on note une absolue non-complaisance pour le monde de la régression. La fixité dans la régression est pathologique. Ce n’est pas la régression elle-même qui pose problème car elle peut être une recherche de sécurité. Elle préconisait dans certains cas, comme une opération, une prise en charge de bébé comme une balle qui redescend pour mieux rebondir.
Dans la cure, Françoise Dolto instaure une relation accueillante, une hospitalité. Elle fait entendre les impasses du patient dans lequel son désir s’est fourvoyé c’est à dire là où l’aspiration à l’humanité a été contredite. Elle fait également entendre les débouchés du désir.
Je retiens de son travail avec les enfants l’importance qu’elle accordait à la relation avec les parents. Travailler avec la mère permet de déculpabiliser l’enfant de guérir sinon il y a risque que l’un aille mieux et pas l’autre.
Aucun traitement analytique ne peut advenir sans qu’émerge la souffrance. Elle disait à un enfant « ta souffrance c’est ta richesse ». La reconnaissance de la souffrance de l’autre comme lui appartenant en propre est la condition au renoncement des symptômes.
Retour à Freud. En écartant la réalité du traumatisme Freud a inventé la psychanalyse et la question fondamentale du fantasme. Pour autant le traumatisme n’en existe pas moins. Dolto donne un statut précis au traumatisme c’est ce qui a permis à l’enfant de contourner une castration symboligène. Ainsi tout traumatisme non élaboré porte en lui ses fruits de morts pour la prochaine étape de développement. Les enfants psychotiques sont piégés par un problème qu’ils ne peuvent ni résoudre ni traverser.
Voici l’exemple d’un enfant « mordeur » et dangereux pour l’entourage. Après observation, Dolto se rend compte que la mère le nourrissait en le tripotant et créait ainsi des bouches partout, une sorte de cannibalisme psychique. La mère a une relation sadique à l’enfant car elle le pompe de sa tactilité. Dolto dit à l’enfant « tu croyais que c’était bien ce que ta mère faisait et tu pensais que tout le monde faisait comme cela ». C’est comme si la mère n’avait pas accepté sa propre castration orale et se rattrape sur le corps-objet de son enfant
Les mots « papa » et « maman » ne recouvrent pas l’idée de père et mère. Ainsi il arrive qu’un enfant gardé au foyer par son père sans emploi l’appelle « maman ». Le père est le tiers symbolique qui structure la relation. Le vrai instinct maternel existe dans la relation de la mère au père. Père et mère sont aptes tous deux à apporter les nécessaires castrations symboligènes. Il n’y a de père symbolique, qu’un père qui se réfère à son propre père. Et même si le grand père était terrible et en a fait baver à son fils, mieux vaut parler de cela que de ne rien en dire. Pour l’inconscient il n’y a de négatif que de l’absence d’en parler. Il n’y a rien qui ne peut être parlé à l’enfant. L’enfant a droit à la vérité de son histoire : ne jamais craindre la vérité aussi sidérante soit-elle.
Trois désirs se rencontrent pour s’incarner. Ceux du père, de la mère et de l’enfant à naître. « Tu as choisi de naitre » disait Françoise Dolto. Le sujet est la dans la vie pré natale en désir de rencontre. Il guette tout ce qui fait signe, il est en recherche de contact.
La perversion des parents est de prendre le besoin pour un désir et le désir pour un besoin. « Mon bébé vomit » dit une mère. Françoise Dolto lui répond « peut être a-t-il besoin de conversation ». Le besoin est ce qui fait vivre le corps et le désir est l’aspiration de vivre et de rencontrer le désir de l’autre, et de communiquer. Le désir porte en lui un fruit nouveau et inconnu
Françoise Dolto pense comme une psychanalyste et agit comme une citoyenne, de par ses actions de thérapie bénévole auprès de bébés abandonnés, d’émissions à la radio, de création de la maison verte et d’aide à la création de l’école de Neuville. Elle n’a pas peur de quitter son cabinet et d’aller dans la sphère sociale. Elle reste motivée par l’éthique du sujet. Face aux difficultés d’une époque, certains peuvent être dans la plainte. Selon sa fille Catherine, « Françoise Dolto retroussait ses manches ”. Je partage avec elle l’idée qu’une éthique est action.
Enfin je retiens la confiance de Dolto dans le sujet humain et sa potentialité à se restaurer par la parole.
Christine Paquis
Emission La tête au carré sur France Inter, le 7 novembre 2008,
avec Claude Halmos psychanalyste spécialiste de l’enfance et Elisabeth Roudinesco, historienne,
sur le thème « La psychanalyse et les media ».
Françoise Dolto n’a pas été la première à parler sur les ondes. Avant, Winnicott a parlé à la radio pendant de longues années, essayant de répondre aux problèmes des mères.
Quand Françoise Dolto accepte d’intervenir sur France Inter en 1977, dans l’émission « Lorsque l’enfant paraît… », elle pose des conditions. Aller dans les media est une pratique à hauts risques, car la psychanalyse pourrait être utilisée à des fins non psychanalytiques. Il est vital de ne pas céder sur le fond ; il s’agit de rendre compte d’un combat pour les enfants. En sachant qu’il ne faut pas se faire d’illusions, car certaines gens prennent une explication pour une loi générale. La difficulté est que le temps de parole est trop court pour développer une pensée. Françoise Dolto a demandé que l’émission se fasse en direct pour la rendre vivante et éviter tout montage.
Par l’originalité de son écoute, elle participe au changement dans la conception de l’enfant, qui avait débuté depuis le début du siècle. Elle écoute les enfants à hauteur d’enfant et fait attention aux détails qui ont de l’importance pour eux.
A l’époque, l’intervention de Françoise Dolto suscite des mouvements virulents chez les médecins.
Les deux interviewés disent qu’on leur demande leur avis sur tout et n’importe quoi, du genre « mon enfant fait pipi au lit, dites-moi que faire ». Elles évitent de donner des recettes, mais plutôt des pistes de réflexions.
Les medias parlent des « psy » en 3 lettres et ont tendance à niveler les débats. Aussi ils usent les sujets.
Extrait de l’émission. F. Dolto répond à une question sur l’autorité. A 18 mois, le « non » envers la mère est à respecter, car c’est une période très positive. L’enfant mute sa psychologie de bébé, c’est-à-dire il commence à ne plus faire qu’un avec sa mère. Il dit « non » pour faire (ou dire) « oui », comme s’il dit « je veux » : il advient à la possibilité de dire Je.
C. Halmos : Aujourd’hui, nous assistons à un déboulonnage, les détracteurs de F. Dolto disent qu’elle a promu « l’enfant roi ». Ce qui est faux, car elle prône l’autorité. Tous les désirs sont légitimes, mais pas tous réalisables. Il est important d’expliquer les règles à l’enfant et non pas le considérer comme un chien à dresser.
E. Roudinesco : Nous vivons dans une société de peur, qui voit la fin de l’autorité patriarcale. En fait, on met sur le dos de F. Dolto toutes les crises, ce qui est inadmissible.
Par exemple, la manœuvre est de sortir une phrase de son contexte, face à une mère folle d’angoisse parce que son enfant ne mange pas. F. Dolto répond qu’il mangera quand il en sentira le besoin. F. Dolto donne un mode d’explication proche de la clinique, or c’est repris (hors contexte) comme une forme de permissivité.
Les deux psychanalystes ne sont pas favorables à la psychologisation des problèmes et affirment que le meilleur héritage de F. Dolto est de ne pas être doltoien. Elle n’a pas souhaité fonder une école.
La raison pour laquelle F. Dolto est appréciée est que son langage est élégant, issu de son éducation vieille France, et qu’en même temps ses idées sont nouvelles, voire subversives. Elle se méfie du langage trop savant et veut rendre la justesse d’un concept pour que les gens comprennent. Elle veut aider ces parents et surtout ne pas les déposséder de leurs problèmes.
La psychanalyse marche sur un fil : tantôt objet d’adoration à l‘intérieur de la psychanalyse et tantôt objet de haine. Référence au livre noir de la psychanalyse en 2005, succès médiatique à cause du journal Le Nouvel Observateur, livre « d’une nullité totale et bourré d’erreurs » selon Roudisnesco. C’est n’est pas une critique de la psychanalyse, mais une pure manifestation de haine. La haine empêche de penser.